Bas-relief Normandie :
« Arts et Légendes de Normandie »
Cet article présente le bas-relief appelé « Arts et Légendes de Normandie », que réalisa Raymond Delamarre pour la décoration du paquebot Normandie, dans les années 1930. Après un bref aperçu historique sur le paquebot Normandie, est retracée ici l’histoire du bas-relief, de sa commande par les architectes du paquebot à ses reproductions futures.
Le paquebot Normandie
Le Normandie est un paquebot français de la Compagnie générale transatlantique, construit dans les années 1930, miroir de la gloire et de l’art de vivre français.
Son inauguration a lieu le 23 mai 1935, suivie de son départ du port du Havre le 29 mai 1935. Il arrive à New-York le 3 juin.
Le Normandie en 1935.
Invitation à l’inauguration du Normandie adressée à Raymond Delamarre et son épouse.
Programme de l’inauguration.
Après de nombreuses traversées transatlantiques, le Normandie se retrouve immobilisé en 1941 dans le port de New-York à cause de la guerre, et les États-Unis le réquisitionnent alors pour en faire un navire de transport de troupes, le rebaptisant USS La Fayette.
En février 1942, lors des travaux de réaménagement, un incendie se déclenche accidentellement à bord du paquebot, qui chavirera dans les heures qui suivirent en raison de la quantité d’eau utilisée pour éteindre le feu.
Par la suite, la rénovation du paquebot, bien que possible, est jugée trop onéreuse par les États-Unis, et la France ayant renoncé à le récupérer, le Normandie est vendu puis détruit.
Affiche de la Compagnie générale transatlantique (source : French Lines).
La commande du bas-relief
Le bas-relief a été commandé à Raymond Delamarre par deux architectes du paquebot, Pierre Patout et Henri Pacon, qui ont notamment la charge de la réalisation du grand hall d’entrée des passagers, des salles à manger et de la chapelle.
Sont reproduits ci-après les documents suivants, qui retracent la commande du bas-relief :
- lettre du président de la Compagnie générale gransatlantique au Gouverneur Julien, qui lui avait fait part de son désir de voir Raymond Delamarre participer à la décoration du Normandie (8 décembre 1933) ;
- lettre de l’architecte Patout qui entre en contact avec Delamarre (17 janvier 1934) ;
- lettre de l’architecte Pacon convoquant Delamarre à participer à une réunion avec les autres peintres et sculpteurs appelés à collaborer pour la décoration du paquebot (22 janvier 1934) ;
- croquis et plâtre de Raymond Delamarre pour présenter son projet concernant le bas-relief ;
- commande officielle du bas-relief (12 juin 1934).
Lettre du président de la Compagnie Générale Transatlantique au Gouverneur Julien (8 décembre 1933).
Lettre de Pierre Patout (17 janvier 1934).
Lettre de Henri Pacon (22 janvier 1934).
Croquis du bas-relief.
Esquisse en plâtre du bas-relief.
Commande officielle (12 juin 1934).
Le bas-relief
Le bas-relief mesure, comme prévu dès la commande, 6 mètres de hauteur et 3,60 mètres de largeur. Il n’a pas pu être réalisé en bronze, cela ayant été trop lourd pour le paquebot. Il a donc été conçu en plâtre puis entièrement doré à la feuille.
Raymond Delamarre a exécuté le bas-relief entièrement chez lui, rue Mathurin Régnier. Il a donc été transporté ensuite, déjà doré, sur le paquebot stationné à Saint-Nazaire.
Raymond Delamarre dans son atelier.
Dans une lettre, Henri Cangardel, alors administrateur directeur général de la Compagnie générale transatlantique, demande à Raymond Delamarre de lui fournir un bref descriptif de son bas-relief, afin de s’en servir pour la publicité du paquebot.
Est reproduit également le brouillon de Raymond Delamarre pour sa réponse.
Lettre de Henri Cangardel (19 mars 1935).
Réponse de Raymond Delamarre (brouillon, recto).
Réponse de Raymond Delamarre (brouillon, verso).
Pour son bas-relief, Raymond Delamarre a souhaité représenter l’Art en Normandie, en exprimant par des personnages les grandes époques de l’art normand.
Voici la signification des différents éléments constituant le bas-relief.
- Saint Michel terrassant le Dragon. Cet élément est justifié historiquement par le choix de Saint Michel comme patron de la Normandie par Rollon, qui consacra le « Mont ».
- Tapisserie de Bayeux : cette partie reprend trois éléments de la Tapisserie de Bayeux: deux cavaliers qui sont Guillaume le Conquérant et l’un de ses compagnons, un drakkar viking et l’inscription « Mare Transivit » qui exprime la fière mission du paquebot, franchir l’océan.
- L’Art Roman soutenant l’abbaye aux hommes de Caen.
- L’Art Gothique soutenant la cathédrale de Rouen.
- Colombe volant au dessus des flammes, figurant l’âme de Jeanne d’Arc.
- La renaissance entourée d’une biche et d’un amour. L’ensemble, représentant l’Art Renaissant, est surmonté d’une reproduction du bas-relief de l’hôtel Bourgtherould de Rouen, avec en son centre le porc-épic de Louis XII.
- Métiers de Normandie : un dinandier de Villedieu tenant un chaudron de cuivre, un faïencier rouennais (qui n’est autre que Masséot Abaquesne), un drapier d’Elbeuf.
- Armes de Normandie soutenues par un lion héraldique.
Sur le paquebot, le bas-relief de Raymond Delamarre décore, avec les trois autres bas-reliefs de l’ensemble, la salle à manger des premières classes. À celui de Raymond Delamarre se joignaient ainsi ceux de Poisson, Drivier et Pommier.
Bas-relief dans la salle à manger des premières classes du paquebot Normandie (source : French Lines).
Plan d’étage du paquebot, avec la position du bas-relief (source : French Lines).
À la suite de l’épisode américain du Normandie, le bas-relief a été dispersé, comme les autres œuvres du paquebot, et nous ne connaissons pas son devenir après 1983.
Le bas-relief a connu cependant plusieurs reproductions : des réductions en plâtre et en bronze ainsi que des plaquettes Arthus Bertrand.
Réduction en plâtre appartenant au Musée des Années 30, ici visible lors de l’exposition Art Déco en 2013-2014.
Lettre de la société Arthus Bertrand (3 mai 1939).
Plaquette Arthus Bertrand.
Pour une partition de musique, on évoque son auteur sous le terme de compositeur. Il est tentant de reprendre ce terme pour un sculpteur, qui a composé ici ce bas-relief comme une symphonie, selon une trame harmonieuse où les sons, pardon, les éléments, prennent chacun toute leur place les uns par rapport aux autres.
Ce bas-relief doré accompagnait magnifiquement l’ambiance de luxe du Normandie. Il faut alors arrêter son regard sur la beauté des motifs, ciselés en orfèvrerie, et, parmi tant d’autres, sur les trois figures de femmes : romane, gothique, renaissance…
Composition générale, beauté de chaque description, culture historique et légendaire d’une province : un artiste pétri d’intelligence et de savoir sculptural.
Jean-François Delamarre